Theorie et Pratique de l'Etat

* L’esprit courtisan est une réalité bien présente qui concerne tous les détenteurs de pouvoirs. Des personnes viennent faire leur cour afin d’obtenir divers avantages pour elles, pour leurs proches ou pour leurs mandants.

Pour plaire aux décideurs et atteindre leurs objectifs, ces personnes essaient de se rendre indispensables quitte à occulter la véracité des faits.

* Traditionnellement, le Chef de l’Etat a souvent des réseaux de fidèles et des informateurs personnels. Ils lui apportent de la sécurité, des analyses et des informations utiles. Ces soutiens et ces relations sont aussi nécessaires pour relayer sans déformation et auprès du Grand Public la vision, l’action et les ambitions du Chef de l’Etat.

C’est la raison pour laquelle les courtisans et les Pouvoirs Constitués (Finance, Economie, Justice, Administration, Religion, Politique…) essaient systématiquement de réduire l’influence et le rôle de ces proches. Leur stratégie consiste à introduire le doute chez le Chef de l’Etat afin qu’il renvoie de lui-même ou néglige ses plus fidèles supports.

Les courtisans vont chercher à s’immiscer dans tous les aspects de la vie du Chef de l’Etat. Leur but est de pouvoir disposer d’un maximum de moyens d’accès. Grâce à eux, ils vont devenir visibles, présents puis omniprésents, et enfin indispensables.

* Pour un courtisan, être vu est une nécessité qui permet ensuite  d’être identifié, invitépuis consulté par le Chef de l’Etat. La création de cette forme d’habitude et de proximité est un préalable essentiel à l’instauration d’un climat de confiance.

Un maximum de contacts permet de pénétrer progressivement l’univers privédu Chef de l’Etat. Il sera plus facile de faire passer des messages, de porter des jugements et de l’influencer. Le but ultime est de devenir un familier.

* Cette démarche va se heurter aux fidèles (la garde rapprochée) qui sont attachés à la personne même du Chef de l’Etat. Ils cherchent naturellement à la protéger notamment contre les actions et les manœuvres des courtisans mais aussi les conseils et avis des experts.

Cependant, le nombre croissant d’arbitrages à rendre et les pratiques traditionnelles des courtisans (flatterie, dénigrement, suspicion…)  et des experts (alertes, dossiers techniques…) ont  pour effet d’obliger le Chef de l’Etat à les rencontrer de plus en plus. Il deviendra progressivement sensible aux arguments, préconisations, présentations... des experts et des courtisans. Il trouvera que ses fidèles  ont trop tendance à voir le mal partout, qu’ils exagèrent les dangers, qu’ils ne sont pas forcément compétents sur tout…  Le Chef de l’Etat n’hésitera plus à donner tort à ses vrais amis au profit de ses nouveaux amis  qu’il juge plus utiles pour lui.

Il va ainsi se couper progressivement de ses fidèles et de ses soutiens naturels. Ces derniers constateront l’ingratitude du Chef de l’Etat et ses erreurs de jugement. Plus ils essaieront de l’alerter, plus ils froisseront sa susceptibilité et susciteront des réactions de sa part.

* Dans ce contexte, nombreux sont les fidèleset les soutiens du Chef de l’Etat qui préfèrent se retirer des affaires publiques. Leur départ est souvent accompagné d’une importante charge affectiveoù se mêlent les désillusions, l’amertume et les regrets.

Même éloignés du paysage du Chef du l’Etat, les fidèles, les purs, les Cincinnatus, les amis…demeurent un danger pour les courtisans et les experts. Ils sont notamment la mauvaise conscience du Chef de l’Etat. Ils peuvent un jour revenir et peut-être se venger.

Afin d’éviter cette situation, des actions sont menées pour essayer de couper définitivement le lien entre le Chef de l’Etat et ses fidèles.  Elles visent généralement la personne en tant que telle. Son intégrité, sa moralité, ses bonnes mœurs… sont mises en cause. Des accusations souvent infondées, des cabales et/ou de complots sont destinés à les rendre définitivement infréquentables.

Quelques exemples :

• Enguerrand de Marigny, ancien chambellan et Ministre de Philippe le Bel est accusé à tort de malversations par le nouveau roi et exécuté en 1315,
• plus récemment, le président Mao n’a pas hésité à faire condamner lors de la Révolution Culturelle d’anciens compagnons de la Grande Marche…

Jean-Michel Oudjani